Chocolat durable: un avenir incertain pour les petits producteurs
L’Europe est résolue. Au 30 décembre 2024, les produits qui ne montreront pas patte blanche concernant la déforestation seront exclus du marché de l’Union européenne (UE), selon la règlementation adoptée en mai dernier.
Une des étapes décisives de l’application de cette législation est la traçabilité du cacao, de la parcelle au produit chocolaté.
- Pour Julie Stoll déléguée générale de Commerce équitable France, le système dérégulé de l’offre et la demande ne permettra pas une mise en œuvre équitable et les transformations risquent de se faire aux dépens des plus faibles, les petits producteurs.
Pour respecter la législation européenne, les importateurs devront donner la provenance de tout leur cacao, grâce à la géolocalisation des parcelles, et l’industriel devra faire la preuve que ses produits ne viennent pas de parcelles situées dans des zones déboisées depuis 2020.
Pour la traçabilité du cacao, la seule certitude est que la filière n’est pas prête. Selon le baromètre du cacao 2022, plus de la moitié du cacao produit dans le monde n’est aujourd’hui pas traçable et, pour la moitié qui l’est, cette traçabilité s’arrête souvent au niveau de la coopérative de producteurs.
- « Combien va coûter cette traçabilité, qui va payer ? Pour l’instant, les industriels du secteur ne souhaitent pas travailler avec nous sur ces questions », regrette Guillaume Lescuyer, du Cirad [1], qui participe à l’Initiative française pour un cacao durable.
« Les producteurs n’ont pas les moyens de se mettre en conformité »
- Même son de cloche du côté de Julie Stoll : « Les producteurs n’ont pas les moyens de se mettre en conformité avec ces nouvelles exigences de traçabilité. Et en face, dans l’oligopole industriel, personne ne fait ce qu’il faut pour que ça bouge vraiment». Le piège de pauvreté dans lequel sont maintenus les producteurs de cacao est pourtant le moteur de la déforestation.
Les promesses de durabilité mises en place par Mondelez (Cocoa Life) ou Nestlé (Cocoa Plan) préfèrent mettre l’accent sur la formation agricole pour augmenter les rendements des parcelles. La filière du commerce équitable, qui défend un meilleur prix payé au producteur, manque, elle, de débouchés industriels : Max Havelaar n’arrive à valoriser sous le label Fairtrade que la moitié de la production certifiée, faute d’industriels preneurs.
- « Certains producteurs intégrés dans les programmes de durabilité des grandes firmes vont bénéficier de leur système de traçabilité », souligne Alain Karsenty, chercheur au Cirad.
Que va-t-il donc se passer le 30 décembre 2024 ? Certains experts craignent que les industriels jouent la montre : si personne n’est prêt, ils espèrent qu’un délai supplémentaire sera accordé par l’UE.
Les chercheurs et ONG interrogés regrettent finalement que la législation européenne reste si discrète sur les mesures d’accompagnement et de financement, en laissant la filière s’organiser.
- « L’Europe a raté l’occasion d’une réponse graduée », souligne Alain Karsenty, qui évoque notamment un système de bonus-malus à l’importation qui aurait permis de taxer les moins vertueux pour utiliser ensuite cet argent pour financer les investissements nécessaires.
Extrait de l’article de Magali Reinert pour Reporterre, le 25/10/2023
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