Classification des forêts (consortium CIRAD/CIFOR/CNRS/IRD/ECOFOR)
Classification des forêts (consortium CIRAD/CIFOR/CNRS/IRD/ECOFOR)
Cette fiche présente le chantier sur l’élaboration d’une nouvelle méthode de classification des forêts tropicales (2023-2025), mené par le consortium CIRAD/IRD/ECOFOR/CNRS/CIFOR.
Nom du projet : « Élaboration d’un nouveau cadre d’analyse de la classification des forêts tropicales par une prise en compte de leur diversité écologique et de leur dégradation. Cas d’étude et au Cameroun et au Brésil »
Les ressources non-publiées du chantier sont disponibles en accès membre. Pour y accéder, veuillez vous connecter et recharger la présente page. Les personnes externes souhaitant accéder à ces documents peuvent en faire la demande auprès de la responsable de chantier, Julie Betbeder (julie.betbeder@cirad.fr).
Contexte
Contenir la déforestation, et particulièrement la déforestation tropicale, est un enjeu fondamental pour I’avenir du climat et de la biodiversité. Un des leviers envisagés par la France dans le cadre de sa Stratégie Nationale de Lutte contre la Déforestation importée (SNDI), et plus généralement par l’Union européenne dans le cadre du règlement européen visant à lutter contre la déforestation et la dégradation forestière (RDUE), est de réduire drastiquement la « déforestation importée », c’est-à-dire les défrichements causés directement ou indirectement par les produits agricoles importés en Europe.
La mise en œuvre de ce règlement implique de définir et de cartographier, sur une base opérationnelle et objective, ce que l’on entend par « déforestation » et par « dégradation forestière » et donc, préalablement, par ce que l’on qualifie de « forêt ». Le RDUE s’appuie pour cela sur la définition utilisée par la FAO (2000) dans ses évaluations des ressources forestières mondiales. Or, cette définition, qui repose sur des variables structurelles de la végétation, présente certaines limites : 1) elle n’est pas adoptée par l’ensemble des pays, engendrant des sous-estimations de la déforestation d’un pays à un autre, 2) elle néglige la diversité fonctionnelle et biologique des milieux forestiers, 3) elle ne prend pas en compte les valeurs patrimoniales, esthétiques, sociales et culturelles des forêts, 4) et elle ne considère pas leur état de dégradation. La définition de la dégradation forestière retenue par le RDUE est également sujette à discussion et comprend l’ensemble des « modifications structurelles apportées au couvert forestier, prenant la forme de la conversion : (a) de forêts primaires ou de forêts naturellement régénérées en forêts de plantation ou en d’autres surfaces boisées ; ou (b) de forêts primaires en forêts plantées ». Ces définitions entraînent indéniablement des approximations dans l’estimation des modifications du couvert forestier.
De nouvelles recherches et études sont nécessaires pour accompagner la mise en œuvre opérationnelle du règlement, d’autant qu’il est prévu que la Commission européenne soumette en juin 2025 une analyse d’impact concernant l’élargissement du périmètre du règlement à d’autres surfaces boisées, écosystèmes naturels, ainsi qu’à d’autres matières premières et institutions financières. Il est également prévu qu’il soit révisé au plus tard en juin 2028, puis au moins tous les 5 ans par la suite.
Objectif du projet
L’objectif principal du chantier est de concevoir un système de classification des forêts tropicales et des formations boisées prenant en compte leur diversité écologique et leur niveau de dégradation. Ce système de classification est élaboré à partir d’une méthodologie appliquée au Brésil et au Cameroun. L’objectif est de développer une méthodologie opérationnelle, reproductible et adaptable, susceptible d’alimenter les réflexions autour de la révision du RDUE. Cette méthodologie viserait notamment à identifier des valeurs seuils représentatives de la dégradation des écosystèmes, selon les types de forêts.
Le projet repose sur 4 axes d’intervention, prévus sur deux phases successives :
- (En cours / fin juin 2025) 1 axe consacré à l’élaboration de la nouvelle classification adaptée à la diversité des contextes écologiques, conduit sur la base des deux études de cas nationales, le Brésil et le Cameroun. Les livrables sont : i) le rapport présentant le système de classification des forêts tropicales à partir de la diversité des contextes écologiques et ii) le Policy brief (note de politique) ;
- (En cours / fin juin 2025) 1 axe de mobilisation d’un réseau international d’acteurs notamment français et européens sur la classification des forêts tropicales et les implications de ces classifications sur leurs stratégies d’action ;
- (2ème phase / après juin 2025) 1 axe consacré à la collecte des représentations des forêts par les acteurs locaux, pour documenter les perceptions des populations rurales de leurs écosystèmes forestiers afin d’analyser leur compatibilité avec la classification basée sur des critères écologiques ;
- (2ème phase / après juin 2025) Et enfin, 1 axe visant à susciter l’intérêt des administrations nationales et des acteurs locaux d’Afrique centrale pour l’adoption de ce système de classification aux caractéristiques socio-écologiques de leur pays.
Le projet s’inscrit dans la continuité des recommandations du chantier sur les définitions des forêts (voir la note de politique correspondante) et de celles formulées par Picard et al. (2022) dans le contexte des discussions sur la proposition de règlement européen.
Activités
Le projet a débuté par l’organisation d’un atelier avec la Communauté Économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) à Yaoundé le 13/07/2023, intitulé « Quelle classification des forêts des pays riverains du bassin du Congo à l’horizon 2025 ? ». L’objectif était de mieux connaître les efforts et positionnements pris par la CEEAC et la COMIFAC sur la question de la classification des forêts en Afrique centrale afin d’établir des passerelles entre le chantier du CST-F et la feuille de route de ces deux organisations.
Les premiers résultats du projet ont été présentés au second trimestre 2024 lors de la 15ème plénière du CST-F (10/07/2024). Le système de classification a été développé dans un premier temps en application au biome tropical humide brésilien. Les auteur·e·s ont procédé aux étapes méthodologiques suivantes :
- L’établissement d’une nouvelle classification des forêts et formations boisées à partir d’une évaluation, d’une sélection et d’un croisement des cartes de végétation disponibles (IBGE, WWF, FAO, UICN). Le produit de cette étape est une cartographie des types de forêts et formations boisées tenant compte du milieu écologique et de la structure des forêts à l’échelle nationale (Brésil) ;
- L’identification et la distinction au sein de chacun des types précédemment définis, des forêts et formations boisées non perturbées. Le produit de cette étape est une cartographie des zones non perturbées pour chaque type de forêts et formations boisées ;
- La prédiction, au moyen de modèles d’apprentissage automatique, de la hauteur des arbres et de la couverture forestière à l’échelle nationale pour chacun des types de forêts et formations boisées préalablement identifiés. Le produit de cette étape sont des cartes de référence de la hauteur des arbres et de la couverture forestière pour des forêts qui n’auraient subi aucune “perturbation” ;
- L’évaluation de la dégradation de chacun des types de forêts et formations boisées, à partir d’une comparaison avec les cartes de référence. Le produit de cette étape est une cartographie finale des gradients de dégradation (faible, moyen et fort) en fonction du type de végétation forestière.
Au Brésil, les résultats montrent une grande variabilité dans l’état de conservation des forêts. 77 % des forêts amazoniennes sont ainsi préservées, et seulement 6 % des forêts tempérées du sud du Brésil sont encore intactes. Les analyses révèlent également que les forêts dégradées peuvent conserver des valeurs de couverture et de hauteur d’arbres bien supérieures aux seuils définis par la FAO.
La méthodologie a été mise en œuvre pour les forêts sèches du Brésil et est actuellement étendue à l’ensemble des forêts du Cameroun. Un stage de Master 2 est également en cours sur ce sujet (stage de Lucas Lima), et porte sur l’impact du feu sur la structure des forêts et, par conséquent, sur leur dégradation.
Résultats
- Livrables
Référence : Linhares de Rezende, C., Arvor D., Blanc L., Couteron P., Fayolle A., Gond V., Mortier F., Betbeder J., 2024, Élaboration d’un nouveau cadre d’analyse de la classification des forêts tropicales par une prise en compte de leur diversité écologique et de leur dégradation. Étude de cas au Brésil et au Cameroun. Livrable A1, 51 p.
- Ateliers
En octobre 2024, un atelier international a été organisé pour présenter ce système de classification et confronter ses résultats à ceux d’autres partenaires. Cet échange visait à enrichir les approches existantes et à initier un réseau d’acteurs dédiés à la caractérisation des forêts tropicales et de leur dégradation. L’événement, tenu en format hybride, a réuni 93 participants issus d’une trentaine d’organismes. Le compte rendu de l’atelier est disponible à ce lien.
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Présentation des membres du consortium
Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) est l’organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes. Le Cirad est présent sur tous les continents et dans une cinquantaine de pays à travers le monde. Avec ses partenaires, il co-construit des connaissances et des solutions pour inventer des agricultures résilientes dans un monde plus durable et solidaire, et mobilise la science, l’innovation et la formation afin d’atteindre les Objectifs du Développement Durable. C’est l’Unité Propre de Recherche “Forêts et Sociétés” du département Environnement et Société, qui est chargée de la mise en œuvre du projet.
Le Centre pour la Recherche Forestière Internationale (CIFOR) fait partie des centres de recherche internationaux créés dans le cadre du groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR). Le CIFOR est basé en Indonésie mais dispose de bureaux régionaux dont un à Yaoundé qui coordonne des activités dans les pays d’Afrique centrale avec un accent particulier sur le Bassin du Congo. Depuis janvier 2019, le CIFOR s’est engagé dans une fusion fonctionnelle avec le centre mondial pour l’agroforesterie (ICRAF).
Le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) est un organisme de recherche pluridisciplinaire. Le CNRS compte plus de 33 000 agents dont 29 000 scientifiques répartis dans plus de 1 100 laboratoires de recherche. Plus spécifiquement, c’est l’UMR CNRS 6554 LETG (Littoral, Environnement, Télédétection et Géomatique) qui participe au projet. Cette UMR a une longue expérience dans l’utilisation de données satellitaires pour le suivi des dynamiques socio-environnementales (expansion agricole, déforestation, dégradation forestière), notamment dans les régions tropicales telles que l’Amazonie brésilienne.
L’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) est un organisme de recherche public français pluridisciplinaire. Présent dans une cinquantaine de pays, il a pour objectif de développer un partenariat scientifique avec les pays en développement, principalement ceux des régions intertropicales et de l’espace méditerranéen. L’IRD est implanté au Cameroun depuis 1949, et y mène des travaux dans différents domaines dont la botanique et l’écologie forestière. C’est l’Unité Mixte de Recherche botAnique et Modélisation de l’Architecture des Plantes et des végétations (AMAP) qui est partenaire du projet.
Le Groupement d’Intérêt Public « Écosystèmes forestiers » (GIP ECOFOR) regroupe 12 organismes français de recherche, de formation, de gestion forestière et de l’administration, mettant en commun des moyens pour développer, rassembler et structurer des connaissances propres à éclairer les politiques publiques et les pratiques de gestion durable des forêts dans des biomes allant du tempéré au tropical. Ses modes d’intervention sont l’expertise scientifique et technique, l’analyse prospective, le suivi de programmes de recherche et la valorisation de l’information scientifique. Le groupement est également actif au niveau européen.